Une poignée d’heures avant d’embarquer sur les pontons de Brooklyn mercredi dernier, Yoann Richomme avait le sourire. Les semaines précédentes aux États-Unis avaient été propices à l’évasion et au repos, le travail effectué par l’équipe technique sur le bateau avait été sérieux comme toujours et le skipper s’apprêtait à repartir pour une nouvelle transatlantique après avoir remporté les deux précédentes. Pourtant, Yoann savait que rien n’allait être facile. En cause : les prévisions météos qui empêchaient d’avoir une vision claire sur ce qui attendait la flotte. « C’est très dur de se projeter parce que la situation en termes de météo est encore très floue », disait-il alors. Et ça s’est rapidement vérifié.
De la pétole puis du vent fort, instable et des orages
Avant, il a fallu rallier la ligne d’arrivée au large et laisser passer l’émotion ressentie en quittant son équipe et New York. Yoann a également fait preuve de solidarité en aidant un autre skipper, Louis Burton : il lui a prêté son emmagasineur de secours (une pièce qui relie la voile d’avant au bout-dehors), ce qui a permis au skipper de Bureau Vallée de prendre le départ. Place ensuite à ce « top départ » au large, sans comité de course ni VHF, au milieu de nulle part et avec très peu de vent (7 à 9 nœuds de vent). « C’est parti pour une régate de petit temps pendant au moins 24 heures », confie Yoann.
Il a donc fallu prendre son mal en patience en descendant vers le Sud jusqu’au way-point ‘Share the ocean’. La suite, c’est une remontée vers le Nord-Ouest particulièrement tonique. « On est sorti de la pétole et le vent est rentré très fort avec des orages et toujours plus de vent, raconte le skipper Paprec Arkéa. C’était vraiment intense : le bateau plantait, il a fallu rematosser le matériel, changer les voiles ». Le vent s’avère alors très instable en force et en direction, ce qui oblige à être toujours aux manettes. Une journée de haute vigilance, avec l’impossibilité de dormir. « Je n’ai pas trop eu le temps de me reposer », corrobore Yoann.
« On fera les comptes à la fin ! »
Dans la bataille, il prend une route légèrement moins Nord que les hommes de tête. « Je n’ai pas envie de coller aux autres, je veux me donner du champ. La météo est tellement instable que les options peuvent changer. J’ai envie d’avoir la possibilité de corriger ma trajectoire au dernier moment », disait-il vendredi. « L’idée, c’est d’avoir un meilleur angle pour la suite. L’option Nord était intéressante mais la bascule n’a pas l’air d’exister », décryptait-il hier soir.
Yoann rappelle que « le fait que la route Sud soit pertinente pour la suite est toujours envisageable ». Ce dimanche matin, il était 11e et pointait à 98 milles du leader, Boris Herrmann (Malizia-Sea Explorer) qui progresse à 165 milles plus au Nord. Les positions devraient donc beaucoup évoluer dans les prochains jours. Le skipper de Paprec Arkéa se veut lui résolument optimiste - « on fera les comptes à la fin pour savoir qui a été le plus malin ! » - et prend plaisir à « écrire sa propre histoire sans suivre toujours le même groupe ».
Surtout, le marin n’oublie jamais que l’objectif, à long terme, reste le Vendée Globe. Alors, il s’affaire à tester des réglages, à faire des tests de configurations de voiles, à prendre des notes en vue du tour du monde. La suite s’annonce tout aussi éprouvante pour les nerfs que le début. « Nous ne tenons pas les routages, ça devrait être toujours plus long, jusqu’à 10 jours de traversée au compteur. On va avoir beaucoup de près. Ce n’était pas ce que j’étais venu chercher mais on n’a pas le choix ». Et le skipper de prendre le parti d’en rire : « au moins, ça simplifiera le choix de voiles ! ».