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Décidemment, rien ne s’est passé comme prévu sur cette transatlantique New York Vendée – Les Sables d’Olonne. Elle devait se disputer au portant rapide sur la route des records, les skippers ont eu peu de vent et du près, dans un contexte d’incertitudes qui a mené à une situation extraordinaire : un décalage nord/sud de plus de 1200 milles* entre les concurrents ! Résultat : au lieu d’être bouclée en 8 jours, cette course ne verra son dénouement que dans 48 à 72 heures. L’expérimenté Yann Eliès, co-skipper à bord de Paprec Arkéa l’an dernier, décrypte cette transat pas comme les autres, évoque l’importance du mental et rappelle que Yoann Richomme peut encore viser une belle place d’honneur.

Quel est ton regard sur le déroulé de cette transatlantique New York Vendée – Les Sables d’Olonne ?
 

« C’est une course vraiment atypique. Elle s’annonçait comme le dernier test grandeur nature au portant* mais la météo en a décidé autrement avec beaucoup de près*. Et puis rapidement il y a eu ce point de bascule, ce passage de front qu’il fallait couper. Seulement deux concurrents ont réussi à le faire, Charlie Dalin et Boris Herrmann. Yoann a réussi à contourner par le sud avec le groupe des poursuivants mais les concurrents du troisième groupe, situés au milieu de l’Atlantique, butent toujours sur ce front ! Pour l’ensemble de la flotte, c’est très frustrant en matière de résultat mais aussi parce qu’ils voulaient tous se tester en configuration Vendée Globe, ce qu’ils n’ont malheureusement pas pu faire en raison de ces conditions totalement inhabituelles. »

Comment analyses-tu cette situation si particulière ?

« C’est vrai que c’est une transatlantique pleine de rebondissements et d’incertitudes, avec des modèles météo qui ne fonctionnaient pas. Elle ne correspond à rien de ce que les skippers attendaient. Cette course va les pousser dans leurs derniers retranchements, les forcer à trouver de nouveaux objectifs, d’autres moyens d’apprendre. Mais il reste encore des enseignements à en tirer, il faut se remobiliser. Finalement, c’est une course plus mentale que technique. »

« Il faut prendre les épreuves les unes après les autres »
Est-ce que cela t’est déjà arrivé d’avoir un début de course difficile comme celui-là ?

« Oui, dans la vie d’un marin, ça fait partie du jeu de se retrouver en-deçà de ses objectifs de départ. Il faut prendre les épreuves les unes après les autres, c’est le propre d’un skipper de s’adapter et de rester humble face à l’adversité. Mais ça doit être difficile, surtout que c’est plus long que prévu. Il faut gérer les à-côtés : l’énergie, la nourriture, l’eau… Pour ces aspects-là c’est vraiment un avant-goût du Vendée Globe. »

Comment se remobilise-t-on quand on fait face à ce genre de situation ?

« Il faut essayer de vivre au jour le jour, d’essayer de battre le copain qui est à côté et tenter de trouver des petites sources de satisfaction. La compétition est faite de petits pas en avant qui peuvent engendrer un bon résultat. »

Yoann Richomme est actuellement 6e au sein du groupe du Sud. À quoi peut-il prétendre en cette fin de course ?


« C’est un sportif de haut niveau qui est capable de trouver les ressorts pour se remotiver. On n’est pas à l’abri d’une bonne surprise. Si la victoire semble devoir lui échapper, il peut viser un ‘top 5’, ce qui offrirait une belle satisfaction sportive. Je suis sûr qu’à bord Yoann continue de découvrir de nouvelles facettes du bateau, de prendre des notes et qu’il arrivera avec plein de bonnes idées pour la suite. C’était le but premier de cette course : continuer à apprendre de soi et de sa machine en vue du prochain Vendée Globe. Et c’est une certitude, Yoann va apprendre plein de choses ! »

*portant : lorsque le vent vient ¾ arrière du bateau, les allures typiques d’un Vendée Globe, conditions rapides et dans lequel le bateau surf *près : lorsque le bateau est face au vent, obligeant à tirer des bords, dans des conditions où le bateau tape dans les vagues, rendant la vie à bord inconfortable *1 200 milles = 2 222 km