Partager
Yoann parle d’une situation « inexplicable et imprévisible ». Le skipper Paprec Arkéa s’emploie comme jamais pour conserver sa place aux avant-postes malgré les longues zones de vent faibles avec lesquelles il faut composer depuis le milieu de la semaine dernière. Quoi qu’il en soit, Yoann, 9ème à 11 heures ce mardi, tient bon et garde sa motivation intacte à l’heure d’aborder le Pot-au noir puis le passage de l’équateur. Il dresse l’état des lieux, avec la précision qui le caractérise.

Le Vendée Globe est une somme de paradoxes et personne n’y échappe, Yoann Richomme y compris. D’un côté, des sensations à couper le souffle et des panoramas exceptionnels à l’image d’un coucher de soleil majestueux qu’il a immortalisé hier soir. De l’autre, une bataille de chaque instant afin de trouver constamment la bonne trajectoire, les vents les plus porteurs et les meilleurs réglages pour tirer le meilleur de son bateau. Le skipper Paprec Arkéa tient bon, toujours positionné dans le peloton de tête. Ce mardi matin, il pointait à 113 milles du leader au classement (calculé par rapport à la route directe) mais à seulement 70 milles « en réel », dans le sillage de Sam Goodchild. Surtout, Yoann sait que le Vendée Globe ne fait que commencer. Il raconte.

Pourquoi la situation météo est aussi instable avec autant de zones sans vent à traverser ?

« C’est une bonne question ! D’ailleurs, on peut se demander si la situation est instable ou trop stable… Pour résumer, il n’y a pas beaucoup d’activités sur l’Atlantique (à cause d’une dépression au niveau des Canaries qui reste stationnaire, ndlr). La conséquence, c’est que l’anticyclone n’est pas très établi sur les Açores. Dans les zones où on devrait avoir des alizés (des vents porteurs), on a ces longues zones sans vent que l’on traverse. »

 

« Il faut accepter de faire le yo-yo »
Tu as opté pour une stratégie très Ouest, comment l'expliques-tu ?

« Les routages nous indiquaient que c’était l’option à suivre. Je me voyais mal foncer dans une zone très molle au risque d’y rester plus longtemps coincé que prévu. Je préférais rester là où il y avait du vent pour continuer à avancer. Par ailleurs, il fallait avoir une vision à long terme. Depuis hier soir, on commence à valider cette option Ouest et on voit bien que toute la flotte n’arrive pas à « recroiser » devant nous (à revenir). Nous restons relativement bien placés. Je ne suis pas mécontent de ma position même si j’aurais aimé être un peu mieux placé. »

Il y a aussi beaucoup de petits phénomènes météo, pas visibles sur les fichiers, qui peuvent avoir une incidence.
Comment s’adapte-t-on à cette réalité ?

« Ce qu’on ne voit pas sur les fichiers météos surtout, c’est l’instabilité qu’il peut y avoir localement. Par exemple, on a eu beaucoup de vent qui oscillait entre 5 et 15 nœuds. Parfois, tu passes trente minutes dans 5 nœuds de vent alors que les copains qui étaient juste à côté, à 5-6 milles avançaient dans 15 nœuds de vent. Et ça, c’est inexplicable, et imprévisible. Il faut savoir relativiser parce qu’on a aucun moyen de le prédire. Il faut accepter de faire le yo-yo. C’est un grand jeu de patience ! »

« Relativement peu affecté par le Pot-au-Noir »
Comment arrives-tu à garder patience face à une telle situation ?

« Il n’y a pas le choix ! On sait tous que ça va être long, que ce n’est pas fini. Mon objectif, c’est de rentrer dans le ‘top 5’ dans les mers du Sud et je vais tout faire pour y être. On doit aussi composer avec un très bon niveau au sein de la flotte. Et puis il ne faut jamais oublier la durée de la course et l’enjeu technique aussi. On l’a déjà vu, même avec des conditions stables on a des bateaux qui ont des casses donc quand ça va être dur dans le Sud, ça va être compliqué pour tout le monde. »

Comment abordes-tu le passage du Pot-au-noir ?

« Il n’a pas l’air très étalé, ni très actif et semble plutôt installé dans l’Est. Il est possible qu’on le contourne au bout de sa pointe et qu’on soit relativement peu affecté. Je n’en ai pas la certitude bien sûr mais c’est ma lecture de la situation. Nous pourrons ensuite tailler notre route dans l’Atlantique Sud. »


Est-ce que tu réussis à t'aérer la tête un peu par des lectures, des podcasts ?

« Oui bien sûr. J’ai écouté des podcasts : un sur la mutinerie du Bounty, un autre d’Into the Wind avec l’interview d’un marin, Benjamin Schwartz, que je connais bien. J’ai commencé à lire « Les cavaliers » de Joseph Kessel, que je poursuivrai dans mon siège, beaucoup plus agréable que dans ma bannette, lorsque le bateau avancera davantage. Je prends le temps également de m’informer en lisant des articles de la presse généraliste et de la presse spécialisée. »

 

Quel regard portes-tu sur les avaries dans la flotte, notamment l’abandon de Maxime (Sorel) et les soucis de Louis (Burton) ?

« Maxime est déjà rentré malheureusement. Je lui ai envoyé un message et je lui souhaite bien sûr un très bon rétablissement. De son côté, Louis (Burton) a entrepris des réparations (il avait des fissures sur le pont de son bateau). Il a vraiment beaucoup de courage, ce sont des travaux compliqués à faire. En plus, il a continué à avancer. J’espère que ça va tenir et que Louis va pouvoir continuer ! »